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Les amateurs de single malts vieillis en fûts de xérès ont l’embarras du choix (et parfois le choix dans l’embarras), tant les distilleries multiplient ces embouteillages depuis quelque temps. Tour d’horizon des nouveautés sur lesquelles placer ses billets.

Début janvier, nous nous interrogions sur les mentions “sherry cask”, “sherry matured” et autres “sherry oak” qui prolifèrent sur les étiquettes de whisky et recouvrent des réalités à géométries infiniment variables. Il est désormais l’heure de passer aux travaux pratiques. Voici donc une vingtaine de single malts élevés en fûts de xérès, sortis récemment et qui balaient le large spectre de cette catégorie reine. Sherry classique et pantouflard, sherry musclé sous anabolisants, sherry en culotte de velours, sherry bomb dégoupillée dans la tourbe, sherry fais-moi peur… il y en a pour tous les goûts et tous les budgets.

Les classiques à garder sous la main

Si vous aimez les sherry monsters, ces distilleries-là ont forcément délégué leurs représentants dans votre placard à bouteilles : Macallan, Glenfarclas, GlenDronach, Tamdhu, Glengoyne, Aberlour (A’Bunadh), Kavalan (Sherry Oak)… Je ne reviens pas sur ces classiques indéboulonnables : concentrons-nous sur les nouveautés.

Les sherry bombs explosives

Voici des armes calibrées pour provoquer un maximum de dégâts sur les sens – avec politesse parfois. Présenté au dernier Whisky Live, The Story of the Spaniard de Compass Box (43 %, 60 €) vous caresse les récepteurs avec son fruité compoté épicé, ses éclats d’agrumes, sa pointe de chocolat. Beaucoup d’élégance, et un rapport qualité/prix de folie.

A la même époque, Edradour lançait chez Signatory Vintage une petite douceur de velours millésimée 2008 (57,9 %, 110 €), un capiteux poème qui, du haut de ses 10 ans, vous envoie sur les montagnes russes. Un peu compliqué à trouver aujourd’hui.

LMDW vient d’embouteiller un single cask (puncheon de PX) de Glendronach 1992 26 ans (51,8 %, 465 €) de toute beauté : une rafale de baies noires et de fruits secs (abricots moelleux, mangues séchées, raisins sultanines) roulée dans le miel de fleurs et tendue de bois exotique. Bon, vu le prix, on peut se rabattre sur 15 ans Revival dont on a tout dit ici.

La gamme 20 Rue d’Anjou invite un Kavalan Sherry Cask 20th Anniversary (57,8 %, 155 €), une pure sherry bomb éjectée au lance-roquette dans la chocolaterie. Ce concentré de gourmandise trouve un bel équilibre entre le fruit caramélisé-cacaoté et le chêne tendu comme une arbalète. Pour 60 € de moins (et une quille de plus), son frérot à peine plus civilisé, le Kavalan Sherry Oak Matured embouteillé à 46 %, reste un must.

 

Dans sa collection Old Particular, Douglas Laing propose un Glenburgie 21 ans 1997-2018 (51,5 %, 132 €), belle bête un peu sauvage, fruitée et carnée. Baies rouges et chocolat noir tabassent le bacon rissolé chatouillé de tabac cubain, de café grillé, de caramel brûlé. Du velours qui a du coffre, sec comme un coup de trique. Pour la différence de prix, et dans le style musclé, il l’emporte sur le Benrinnes 15 ans 2003 (48,4 %, 112 €) qui fait pourtant bien le job.

Le tout nouveau Tamdhu 15 ans est une édition (pas si) limitée (que ça) à 24.000 bouteilles, 100 % oloroso, chêne américain et européen : une petite sherry bomb caramélisée vibrante et facilement aguicheuse, comme on en trouve à la pelle, et qui gagne à reposer longuement dans le verre.

Chez Springbank, la légèreté de la triple distillation du Hazelburn 14 ans Oloroso Cask Matured résiste à l’assaut du xérès, mais il faut aimer les notes de soufre.

Retour au sherry confortable et statutaire avec le Balvenie Single Barrel 15 ans Sherry Cask (47,8 %, 120 €). La personnalité de la vénérable maison du Speyside disparaît sous le xérès et le butt de chêne européen, et cela en a déboussolé certains. Mais je milite pour le droit à tous les excès du moment qu’on passe une bonne soirée. On retrouve dans ce single cask très limité les marqueurs du fût de xérès, avec ce poil d’austérité consensuelle qui convient aux dernières heures de la nuit.

Les bombinettes subtiles

Même s’ils ont vieilli en fûts de sherry, ces whiskies-là n’en sortent pas tamponnés de xérès, et ont gardé une subtilité qui les empêchent d’entrer dans la catégorie sherry bombs à proprement parler. On y pioche pourtant des jus magnifiques, surtout si l’on est prêt à fusiller son petit cochon en porcelaine.

Gordon & MacPhail livre un Highland Park 2001 de 17 ans (57,8 %, 165 €) velouté et délicat, vieilli en butt de sherry refill. Fruits cuits, noisettes, déflagration d’épices tempérée par une douceur de caramel au beurre salé et une volute subtile de tourbe : tout en finesse.

En 2018, dans la gamme Artist Collective 2.0 de LMDW, sortait un Linkwood 1997 de 21 ans (58 %, 199 €) élevé en hosgheads de sherry refill. Un ravissement de complexité et de finesse (bois précieux, fruits exotiques, tilleul, épices… en concentré) – et par je ne sais quel miracle, il en reste.

Artist toujours, mais #8 : coup de cœur pour un Glenlivet 2007 Over 10 passé en sherry butt first fill (66,5 %, 179 € – pas donné pour du 10 ans d’âge). Racé, puissant, interminable en bouche.

Chez Signatory Vintage, un Glenlivet Vintage 2007 11 ans gourmand mais sans excès, pâtissier et soyeux. Et un Clynelish 1995 22 ans (55,4 %, 240 €) magnifique, où les arômes se répondent en écho – bois exotique encaustiqué, fruits secs, cerises noires sur rancio, chocolat pimenté, amandes grillées, chocolat tannique… Un Clynelish que le butt de sherry n’écrase pas mais au contraire habille d’une étoffe riche. Un poil supérieur à mon goût au 22 ans 1995 sorti chez The Nectar.
Le nouveau Glengoyne Legacy Chapter 1 (46 %, 79 €), un NAS (de plus de 9 ans me dit-on) bercé à l’oloroso mérite quelques gouttes d’eau pour lui détendre les abattis (fruits compotés, éclats de noix, citron confit, vanille, toffee, chocolat pimenté et amandes amères en queue de comète) et s’effrite un chouille en bouche. On peut lui préférer le Cask Strength batch 6.

Terminus dans les Lowlands avec le Bladnoch Adela 15 ans (46,7 %, 139 €) pur oloroso (chêne américain et espagnol). Assemblé sur les stocks précédant le rachat puis la refonte complète de la distillerie, ce malt doux au fondant très chocolaté garde sa délicatesse et sa fraîcheur sous sa robe de sherry – ribambelle de fruits secs généreusement poivrés, secousse d’épices, gingembre confit frétillant et zestes d’agrumes qui rebiquent curieusement en une fin de bouche acidulée. Pour aider à relancer l’industrie dans le Dumfries & Galloway.

La double détente sherry + tourbe

Sherry is the new peat, semble-t-il, mais parfois on n’a même pas besoin de choisir. Un parpaing de sherry sous une secousse de tourbe, ça vous tente ? Elements of Islay a assemblé un blended malt vieilli en butt d’oloroso. Tourbé à pleine patate, xérès de grosse caisse et degré d’alcool à fond les ballons : Peat & Sherry (58,8 %, 79 € les 50 cl) “selected by LMDW” est de ces whiskies qui se mâchent. Confituré, chocolaté, cendré, il vous enveloppe le palais, vous ligote la langue, vous laque la glotte, s’incruste dans les molaires… et rend heureux une fois franchi le mur du son.

Ce bourre-pif sherry-tourbe qui arrive sur un coussin de velours est sorti il y a un an, mais j’ai vérifié, il en reste (ô miracle) : Ballechin 2008 cask 186 The Chronicles (60 %, 118 €), derrière sa ligne de basse de bourrin, révèle une belle matière, bien grasse, et étonnante complexité. Cœur avec la langue.

Benromach Peat Smoke Sherry (59,9 %, 79 €) se vautre dans la gourmandise, à tel point qu’on en oublie la tourbe. Riche, sucré, gorgé de fruits rouges et de baies noires confiturés, ponctué de chocolat et de caramel mou, avec une petite fraîcheur de résine de pin qui ricoche, ce jus culbute les extrêmes sans faire dans la dentelle. Un gamin de 8 ans (sherry, je me sens rajeunir) qui aurait engourdi le maquillage de sa mère.

La tête de mort rouge sang sérigraphiée sur la bouteille vous donne le ton : à ranger parmi les produits dangereux, entre le Destop et la grenadine. L’embouteilleur Ian MacLeod a fourré son Smokehead – le Voldemort d’Islay, un single malt tourbé d’une distillerie dont on ne peut dire le nom – en fûts d’oloroso de chêne espagnol pendant un nombre tout aussi mystérieux d’années. Smokehead Sherry Bomb envoie la fumée avec autant d’efficacité qu’une grenade de désencerclement pendant une manif. Une fumée de barbecue grasse, persistante, saline, qui se cramponne aux gencives, goinfrée de fruits séchés caramélisés où frétillent les agrumes confits et une note mentholée. Un boulet de canon où le peat monster l’emporte sur la sherry bomb, clivant, extrême. On devrait le vendre sur ordonnance avec une posologie : ne pas dépasser la dose prescrite sous peine de finir en viande fumée.

Par Christine Lambert

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