Skip to main content

En une huitaine d’années à peine (chapeau bas!), les Etats-Unis ont bouclé les procédures conférant au single malt yankee une définition et un cahier des charges. Bilan? Rien à voir avec ce qui se pratique en Europe – et, au fond, tant mieux.

Nous en parlions « pas plus tard que y a pas longtemps » dans cet article consacré au whisky américain, c’est désormais acté: les autorités états-uniennes viennent de définir légalement l’American Single Malt, la catégorie de whisky américain qui connaît la plus forte croissance – à découvrir en France chez les pionniers de Westland ou de Westward.

 A compter du 19 janvier 2025, le breuvage devra être:

      • Mashé (brassé-fermenté), distillé et vieilli aux Etats-Unis,
      • Distillé à 80% maximum, exclusivement à partir d’orge maltée, dans une seule et même distillerie,
      • Vieilli en fûts de chêne d’une capacité de 700 l maximum, qu’ils soient neufs – carbonisés ou non – ou de réemploi,
      • Embouteillé sans additifs autres que du caramel colorant, à condition que son usage soit spécifié sur l’étiquette
      • Et merci de ne pas ajouter d’alcool neutre à la mixture (de rien),
      • Enfin, si l’American Single Malt s’accole au mot « straight » sur l’étiquette, le whisky devra avoir vieilli au moins 2 ans. 

Les producteurs ont 5 ans pour se mettre en conformité avec ce cahier des charges… ou pour modifier leur étiquetage. RDV en 2030.

En d’Europe – et parfois aux USA mêmes –, certains ont froncé le museau face à cette définition minimaliste: pas de compte d’âge plancher (hors straight), pas de restriction sur les types d’alambics, seule la distillation doit se faire dans une même distillerie (brassage et fermentation pouvant être externalisés)…

Ouin, ouin! Arrêtez d’entraver l’innovation!

Mais justement, plus encore que les critères fondant cette définition, c’est la façon dont ils se sont imposés au TTB, l’administration de tutelle pour les spiritueux, qui se révèle intéressante. 

Les deux projets successivement produits par le TTB (Alcohol and Tobacco Tax and Trade Bureau – ne cherchez pas le A dans l’acronyme), en 2018 et 2022, ont été ouverts aux commentaires, une phase comparable aux procédure d’opposition que connaissent nos appellations. Commentaires que j’ai suivis avec une obsession qui confine au TOC,  me régalant particulièrement des arguments avancés par les producteurs en défense de l’aromatisation – au hasard. « Ouin… Ce frein à l’innovation est insupportable, on tue dans l’œuf le single malt à la barbe à papa. Re-ouin. » J’exagère? A peine. Pas d’aromatisation, donc.

Le Bureau a tenu compte des spécificité historiques et culturelles du whisky américain pour définir le single malt national. Nombre de distilleries craft se procurent leur bière à distiller auprès de brasseries partenaires? Elles pourront donc continuer à le faire. Bien que de nombreux lobbies – la Scotch Whisky Association, l’Irish Whisky Association, SpiritsEUROPE, DISCUS, la Kentucky Distiller’s Association, le groupe Sazerac, la Japan Spirits and Liqueurs Makers Association (soupir)… – plaidaient pour la sainte trinité brassé-fermenté-distillé dans une seule distillerie.

Notons que le Règlement européen n’exige pas que brassage et fermentation aient lieu sur le site de distillation: en France, nombre de distilleries, en particulier en Alsace et dans les Charentes, sourcent leur bière, pratique interdite en Ecosse.

Du single malt à la colonne

Le cahier des charges exige que la distillation se fasse en revanche dans une seule et même distillerie – le minimum syndical. Mais sans préciser avec quel type d’alambic: le single malt américain peut être distillé en colonne (en continu), en pots stills ou en hybrides, peu importe. A titre de comparaison, son rival écossais doit obligatoirement passer par des pots stills.

De ce critère découle le choix de limiter à 80% le taux alcoométrique volumique de distillation, lequel peut escalader à 94,8% en Europe. Cette restriction vise à assurer un minimum d’aromatique, de corps et de caractère aux single malts américains distillés en colonne. 

Petit rappel: plus on distille à haut degré, plus on s’approche de l’alcool neutre (95%), moins le whisky a de goût et plus il a sa place comme désinfectant dans l’armoire à pharmacie. En Ecosse, seuls les whiskies de grain franchissent la barre des 90%, pas les malts.

Et en parlant de grain. L’American Single Malt sera élaboré à 100% à base d’orge maltée: le minimum du minimum, pensez-vous… alors qu’en France tel est le cas depuis un décret de 2017 seulement. Nombre de producteurs ont pourtant argué que d’autres céréales pouvaient fort bien se malter, à commencer par le seigle ou le blé. En vain. 

Vieilli 3 jours en fûts!

Le single malt de l’Oncle Sam devra vieillir en fûts de 700 l max, capacité au-delà de laquelle les échanges en le bois et le liquide perdent en intérêt. Mais contrairement au bourbon qui doit mûrir en fûts de chêne neuf carbonisés, il pourra de vautrer en barriques de réemploi. 

En revanche, le TTB a dit « no way » aux essences de bois autres que le chêne afin de ne pas semer le dawa.

Pas de durée minimum de vieillissement cependant (hors mention « straight »). Et là, les lobbies furent nombreux à objecter, votre honneur, SWA (oui, elle se mêle de tout, deal with it), Irish Whisky Association, SpiritsEUROPE, Kentucky Distiller’s Association en tête, plaidant pour un âge minimum de 2 à 4 ans.  Et arguant que le vocable « straight » ne parle à personne hors USA, ou en tout cas pas avec le même sens. 

Difficile de trancher à l’échelle d’un pays où la notion de vieillissement recouvre des réalités très différentes selon que les chais se baladent dans la canicule des déserts du sud-ouest, les tropiques du sud-est ou les congères du nord, etc. En conséquence, les producteurs pourront mettre sur le marché un single malt vieilli douze jours et onze nuits s’ils leur en chaut. MAIS.

Ne faites pas ces bobines de loutres mal essorées: of course il y a un « mais ». « Mais » les single malts commercialisés dans l’Union européenne devront se conformer aux législations en vigueur sous nos climats tempérés: 3 ans minimum, sinon pas de papiers! Fin du suspense. Passez de belles fêtes, on se reparle en 2025!

Leave a Reply

Inscrivez-vous à notre newsletter