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La distillerie irlandaise fondée par Mark Reynier vient d’être placée en redressement judiciaire, dans un contexte économique qui place de nombreux producteurs sous tension dans les spiritueux. Pour autant, Waterford n’a pas dit son dernier mot. Le « whisky de terroir » non plus.

La nouvelle, parue dans l’Irish Times jeudi dernier, a cueilli à froid les amateurs de whisky : Waterford, la distillerie fondée par Mark Reynier en 2015, dans le sud de l’Irlande, était placée en redressement judiciaire.

Trois mois plus tôt, la distillerie de rhum Renegade, sortie de terre à la Grenade à l’initiative du même démiurge en 2020, avait cessé la production avant d’être mise en vente. Sale temps pour les distilleries, en premier lieu les plus petites et les plus récentes, qui affrontent une conjoncture sans merci depuis des mois.

Waterford n’est pas une distillerie comme les autres. C’est un projet ambitieux et excitant centré sur une volonté : ramener le goût du terroir au cœur du whisky. En associant une multitude de petits producteurs d’orge, et au prix d’une logistique au cordeau pour malter, brasser, fermenter, distiller et élever le produit de chaque ferme séparément. Et, à l’occasion, en redonnant vie à des variétés d’orges anciennes oubliées telles la Hunter ou la Goldthorpe.

Le « whisky de terroir » a-t-il un avenir hors de France ?

Le lancement, en pleine épidémie de covid, a suscité en France une adhésion enthousiaste. Mais notre vieux pays de vin a toujours prêté une oreille attentive au terroir, et jusque dans les spiritueux : le cognac en fait souvent son miel, et dans le whisky le Domaine des Hautes-Glaces creuse en pionnier ce sillon depuis ses origines.

Sous d’autres cieux, une active pédagogie était sans doute nécessaire, et Mark Reynier ne le cachait pas. Compliqué à comprendre, Waterford, compliqué à vendre ? Sans doute. Avec un positionnement prix plutôt élevé pour des single malts jeunes ? Assurément, encore qu’on pourrait objecter que le terroir s’exprime davantage dans la jeunesse, avant de céder sous le bois. Était-il raisonnable de se disperser sur deux énormes chantiers en même temps, rhum et whisky ? Peut-être pas. Single malt conceptuel et premium, Waterford aurait-il connu un autre destin s’il était né en Écosse plutôt qu’en Irlande, moins réputée pour les niches pointues ? Il y a des chances.

Mais inutile de réécrire l’histoire, car en vieux routier du whisky, Mark Reynier avait anticipé la panade. « Lorsque j’ai mis en place le projet, j’ai toujours eu à l’esprit qu’en cas de difficultés nous pourrions vendre nos stocks excédentaires et cesser de distiller pour économiser de l’argent ; c’est la raison pour laquelle nous avons distillé 1 million de litres dès le premier jour – un trésor de guerre. »

La panade, oui, mais pas la crise majuscule. Pas le whisky loch général qui menace. « Ce que je n’avais pas prévu, c’est que tout le monde vendrait ses stocks en gros en même temps – certains grands acteurs inondant le marché, se délestant de leurs stocks pour des clopinettes. Je n’avais pas non plus anticipé la crise du coût de la vie, la tension de la chaîne d’approvisionnement et la flambée des taux d’intérêt qui s’est produite en même temps. » 

L’industrie a besoin de grandes gueules

Les défaillances de distilleries ne sont pas rares en ce moment, y compris en France – tapez « redressement judiciaire » et « distillerie » sur DuckDuck pour vous faire une idée. Aux États-Unis, on apprend une faillite par semaine. Dernière en date : la branche américaine de Stoli.

Mais rangez les violons et retenez les sanglots, et servez-vous plutôt un whisky : n’enterrons pas Waterford ! Sans l’ombre d’un doute, cette distillerie magnifique opéré par une équipe passionnée trouvera des partenaires ou des repreneurs – rappelez-vous comme Mackmyra nous a fiché la frousse pour rien. « Ce n’est pas la fin, jure Mark Reynier. S’il me reste un peu de souffle, je m’efforcerai de trouver un moyen de maintenir Waterford en vie. »    

On va te prendre au mot, Mark. Car l’industrie du whisky, devenue bien encline à distiller l’eau tiède, a besoin de frondeurs magnifiques, de grandes gueules qui dérangent, de têtes brûlées qui nous poussent dans les cordes aux limites de nos tépides conforts et de créateurs prêts à prendre des risques. C’est une espèce en danger, protégeons les derniers spécimens. En cette fin d’année, offrez(-vous) du Waterford.

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