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Ces dix dernières années, alors qu’on ne pouvait pas (encore) blâmer la crise, une jolie brochettes de scotches ont quasiment disparu des étagères chez les cavistes. Sans faire de bruit. Et si on partait à la recherche des disparues?

Quelqu’un sait où est passé Aultmore? Fabuleux whisky, tout en subtilité herbacée, l’un des derniers « Great Malts of Scotland » sorti des ténèbres par Bacardi en 2014 en même temps que Craigellachie, Deveron et Royal Brackla. Et puis, pfffiout, plus rien. Disparu, Aultmore. Royal Brackla aussi, me direz-vous, mais il me manque moins.

Que devient Glen Garioch? La gamme avait été retravaillée à l’orée de 2010, à cette époque où l’on nous vendait les NAS et les Founder’s Reserve comme une innovation. Mais quinze ans plus tard on cherche en vain sa trace dans les limbes. Auchentoshan? Rappelez-vous, le « whisky des jeunes », le « city malt » à la communication urbaine et décomplexée, très en vogue il y a une décennie: évanoui.

Où s’est planqué Dalwhinnie, l’un des Classic Malts de Diageo? Depuis un Winter’s Gold lancé en 2015, on cherche en vain de ses nouvelles – contactez la rédaction qui transmettra si vous l’apercevez.

Glenturret, Glenrothes portées disparues

Voyez Glenturret, revenu sous les projecteurs après son rachat par Lalique fin 2018 : nouvelle gamme, nouveau positionnement haut de gamme, débauchage dans l’équipe de blending de Macallan et… perdue de vue tout aussi rapidement qu’elle s’était rappelée à notre bon souvenir. Aux dernières news, la vieille distillerie abandonnait la tourbe à partir de 2025.

Glenrothes? Repassée dans le giron d’Edrington (Macallan) en 2017, la marque remisait ses célèbres millésimes l’année suivante pour repenser sa gamme… avant de s’évanouir du territoire français.

Toute une jolie brochette de distilleries qui ont connu une relance, une refonte, un moment de gloire ces quinze dernières années, et ont littéralement décampé des rayons des cavistes. Sans faire de bruit. Des noms qui excitèrent un temps blogs et magazine, et dont plus personne ne parle aujourd’hui.

Aultmore, Glen Garioch occupées ailleurs

Qu’autant de distilleries puissent disparaître aussi rapidement de notre quotidien devrait nous interroger sur les sautes d’humeur de l’industrie et des consommateurs (nous). Le marché sature. Le nombre des références de whiskies disponibles atteint des seuils déraisonnables: trop de distilleries, trop de marques, trop de collections, de séries limitées, bref, trop d’embouteillages qui, au lieu d’entretenir l’excitation des amateurs, finissent par l’étouffer.

A la faveur d’un changement de stratégie et/ou de distributeur, les producteurs laissent en plan certains marchés ou certaines distilleries, sans plus s’éterniser, quitte à y revenir ultérieurement. Ainsi, si Aultmore a disparu de France, c’est parce qu’il cartonne en Asie, où partent désormais toutes les allocations: la distillerie de Bacardi a dû doubler sa capacité en 2024 pour faire face à la demande.

Glen Garioch s’est éclipsée de nos bars parce que Suntory, depuis quelques années, en faisait sa « distillerie expérimentale » où conduire les essais du groupe. Le géant nippon y a réinstallé la chauffe directe des alambics il y a deux ans, et préparerait la relance d’une gamme – je parle au conditionnel, vu la conjoncture. Mêmes bruits de couloir pour Auchentoshan, qui il y a peu promettait en off « un retour surprise ».

Longmorn, de nouveau dans la lumière ?

Tormore, passée aux oubliettes depuis la sortie en 2013 d’un 14 ans et d’un 16 ans, devrait ressortir des cartons grâce à Sukhinder Singh, qui a racheté la distillerie à Pernod Ricard en plein covid: il nous dit tout dans le dernier numéro de Whisky Magazine. William Grant réfléchit à agrandir Kininvie et surtout, à lui offrir une « vraie » distillerie, et non plus seulement des alambics – puisque le mash tun et les fermenteurs sont logés chez Balvenie. Là aussi, la marque pourrait tenter un retour.

Après la jolie relance de Scapa – pourvu que ça dure –, Pernod Ricard devrait de nouveau tenter le coup avec Longmorn.

Alors, je vous l’accorde, ce n’est peut-être pas le bon moment pour se poser la question des disparues, alors que nombre de distilleries écossaises ont commencé à se taire face à la crise de surproduction, à l’image de Glenglassaugh qui se prépare à une année silencieuse. Pas le timing idoine pour évoquer les futures résurrections quand le Whisky Loch qui s’amorce risque de repousser ou de remettre fissa en question nombre de projets.

Mais peut-être n’aviez-vous pas réalisé le vide laissé par ces noms enfuis. Et cela en dit long sur ce que devient le scotch.

 

(Photo Jonas Ingold / Flickr License)

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